Le débarras d’une maison peut sembler une simple opération logistique, mais il arrive parfois que cette tâche banale prenne une tournure inattendue avec la mise au jour de restes humains ou d’éléments à caractère criminel. Ces situations, bien que rares, soulèvent un enchevêtrement complexe de questions juridiques touchant au droit pénal, civil et administratif. Professionnels du débarras, particuliers héritiers ou simples acquéreurs d’un bien immobilier se retrouvent alors confrontés à un cadre légal strict qui définit leurs obligations et les éventuelles sanctions encourues. Cet examen approfondi des responsabilités juridiques lors de découvertes macabres permet de comprendre les démarches à suivre, les précautions à prendre et les conséquences potentielles pour chaque acteur impliqué dans ce scénario hors du commun.
Cadre juridique applicable aux découvertes macabres lors d’un débarras
La législation française encadre de manière précise les situations impliquant la découverte de restes humains ou d’éléments pouvant constituer des preuves dans une affaire criminelle. Le Code pénal et le Code de procédure pénale constituent les principales sources juridiques régissant ces circonstances exceptionnelles.
L’article 434-7 du Code pénal sanctionne le fait de modifier l’état des lieux d’un crime ou d’un délit, soit par l’altération, la falsification ou l’effacement des traces ou indices, soit par l’apport, le déplacement ou la suppression d’objets quelconques. Cette infraction, qualifiée de modification de l’état des lieux, est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Dans le contexte d’un débarras, cette disposition prend tout son sens lorsqu’une personne découvre des éléments suspects.
Par ailleurs, l’article 434-11 du même code réprime la non-dénonciation de crime. Ainsi, quiconque ayant connaissance d’un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes, s’abstient volontairement d’en informer les autorités judiciaires ou administratives, est puni de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Le Code civil intervient quant à lui pour les questions relatives à la propriété des biens découverts et aux responsabilités des propriétaires ou des professionnels du débarras. L’article 716 précise que « la propriété d’un trésor appartient à celui qui le trouve dans son propre fonds ». Bien que cette disposition ne s’applique pas directement aux restes humains, elle peut concerner d’autres découvertes associées.
Le Code général des collectivités territoriales régit pour sa part le traitement des restes humains, notamment dans ses articles L. 2223-1 et suivants relatifs aux opérations funéraires. Ces dispositions s’avèrent pertinentes lorsque des ossements anciens sont mis au jour lors d’un débarras.
Distinction entre les types de découvertes
La loi opère une distinction fondamentale entre plusieurs catégories de découvertes macabres :
- Les restes humains récents pouvant être liés à un homicide
- Les ossements anciens relevant plutôt de l’archéologie ou de l’histoire
- Les preuves matérielles d’un crime (armes, vêtements souillés, etc.)
- Les indices pouvant suggérer un acte criminel sans constituer une preuve formelle
La jurisprudence a progressivement précisé ces distinctions. Ainsi, l’arrêt de la Cour de cassation du 25 octobre 2000 (n°99-87.890) a établi que la qualification pénale dépend de l’intention et de la connaissance qu’avait la personne de la nature criminelle des éléments découverts. Le simple fait d’ignorer la nature des objets manipulés peut donc constituer une circonstance atténuante.
Le droit européen, notamment à travers la Convention européenne des droits de l’homme, influence par ailleurs l’approche française en garantissant le respect de la dignité humaine, y compris pour les personnes décédées, principe réaffirmé par la Cour européenne des droits de l’homme dans plusieurs arrêts.
Obligations légales immédiates suite à une découverte macabre
Lorsqu’une personne effectuant un débarras se retrouve face à des restes humains ou des indices suggérant un acte criminel, la loi française impose une série d’actions précises à entreprendre sans délai. Ces obligations s’imposent tant aux particuliers qu’aux professionnels du secteur.
La première obligation consiste en un devoir de signalement immédiat aux autorités compétentes. L’article 74 du Code de procédure pénale stipule que « en cas de découverte d’un cadavre, qu’il s’agisse ou non d’une mort violente, mais si la cause en est inconnue ou suspecte, l’officier de police judiciaire qui en est avisé informe immédiatement le procureur de la République ». Ce texte implique que toute personne découvrant des restes humains doit contacter sans délai les services de police ou de gendarmerie.
Le non-respect de cette obligation peut entraîner des poursuites pénales sur le fondement de l’article 434-11 du Code pénal relatif à la non-dénonciation de crime. La jurisprudence montre que les tribunaux apprécient la bonne foi du découvreur et le délai raisonnable dans lequel le signalement a été effectué. Dans un arrêt du 15 mars 2016, la Cour d’appel de Bordeaux a ainsi relaxé un particulier ayant attendu 24 heures avant de signaler une découverte, estimant qu’il avait agi sous le choc et que ce délai restait raisonnable.
Parallèlement au signalement, la préservation de l’intégrité des lieux constitue une obligation majeure. L’article 55 du Code de procédure pénale précise que « l’officier de police judiciaire veille à la conservation des indices susceptibles de disparaître ». Par extension, cette obligation s’impose à quiconque découvre des éléments suspects. Concrètement, cela signifie :
- Ne pas déplacer les restes ou objets découverts
- Délimiter et sécuriser la zone de découverte
- Éviter toute contamination des lieux
- Documenter l’état initial si possible (photographies)
Le Conseil d’État, dans sa décision du 6 janvier 2006, a confirmé que la préservation des indices constitue une obligation de moyens et non de résultats, tenant compte des circonstances particulières de chaque situation.
Lors de l’arrivée des forces de l’ordre, le découvreur doit se soumettre à une obligation de coopération. Cette coopération implique de fournir tous les renseignements utiles aux enquêteurs : circonstances précises de la découverte, identité des personnes présentes, historique du lieu, etc. La loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure a renforcé cette obligation en prévoyant des sanctions pour entrave à la justice.
La Cour de cassation a par ailleurs précisé, dans un arrêt du 7 novembre 2012, que le témoignage sincère et complet constitue un devoir civique dont la méconnaissance peut être sanctionnée. Les professionnels du débarras, en tant que témoins privilégiés, sont particulièrement concernés par cette jurisprudence.
Protocole recommandé pour les professionnels
Les entreprises spécialisées dans le débarras ont tout intérêt à mettre en place un protocole interne détaillant la marche à suivre en cas de découverte macabre :
- Désignation d’un responsable chargé des relations avec les autorités
- Formation du personnel aux premiers réflexes à adopter
- Mise à disposition d’un kit de préservation des lieux
- Élaboration d’un formulaire de signalement standardisé
Ces mesures préventives, bien que non explicitement requises par la loi, peuvent constituer un élément favorable en cas de mise en cause ultérieure de la responsabilité de l’entreprise.
Responsabilités spécifiques des professionnels du débarras
Les entreprises et travailleurs indépendants spécialisés dans le débarras de maisons sont soumis à un régime de responsabilité particulier en cas de découvertes macabres. Leur statut professionnel implique une obligation de vigilance renforcée par rapport aux simples particuliers.
Le Code de commerce et le Code de la consommation imposent aux professionnels une obligation générale de prudence et de diligence dans l’exercice de leur activité. Cette obligation se traduit, dans le contexte spécifique du débarras, par un devoir d’inspection minutieuse des lieux avant toute opération d’évacuation ou de destruction. La jurisprudence considère que les professionnels du secteur disposent – ou devraient disposer – des compétences nécessaires pour identifier les situations anormales.
Un arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 12 septembre 2008 a ainsi retenu la responsabilité d’une entreprise de débarras qui avait négligé d’examiner attentivement le contenu d’une malle avant de la détruire, alors que celle-ci contenait des documents pouvant constituer des preuves dans une affaire criminelle. Les juges ont estimé que « la qualité de professionnel implique une vigilance particulière quant à la nature des objets manipulés ».
Sur le plan contractuel, les professionnels du débarras sont liés à leurs clients par une obligation de moyens renforcée. Ils doivent mettre en œuvre toutes les ressources nécessaires pour accomplir leur mission dans le respect des règles de l’art et des dispositions légales. Cette obligation s’étend à la gestion des découvertes imprévues, y compris celles à caractère macabre.
La Chambre commerciale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 3 février 2015, a précisé que « le professionnel chargé d’une mission de débarras engage sa responsabilité contractuelle s’il ne prend pas les précautions qu’un professionnel normalement diligent aurait prises face à une découverte inhabituelle ». Cette jurisprudence confirme que la simple ignorance ne constitue pas une excuse valable pour un professionnel.
Dispositifs préventifs et formation du personnel
Pour se prémunir contre les risques juridiques, les entreprises de débarras ont tout intérêt à mettre en place des procédures internes rigoureuses :
- Formation spécifique du personnel aux situations atypiques
- Élaboration d’un protocole d’intervention en cas de découverte suspecte
- Documentation systématique des opérations réalisées
- Souscription d’une assurance responsabilité civile professionnelle adaptée
La Fédération Française des Entreprises de Déménagement et Garde-Meubles recommande par ailleurs l’insertion de clauses spécifiques dans les contrats, précisant la marche à suivre en cas de découverte inhabituelle. Ces clauses ne sauraient toutefois exonérer l’entreprise de ses obligations légales fondamentales.
Sur le plan fiscal et administratif, les professionnels du débarras sont tenus de respecter des obligations déclaratives strictes. L’article L. 324-10 du Code du travail réprime le travail dissimulé, pratique parfois observée dans ce secteur d’activité. En cas de découverte macabre, l’absence de déclaration préalable de l’activité constituerait une circonstance aggravante.
Le Conseil d’État, dans sa décision du 23 novembre 2018, a rappelé que « l’exercice d’une activité professionnelle non déclarée peut constituer un indice de dissimulation volontaire d’éléments découverts » lors d’opérations de débarras. Cette position jurisprudentielle renforce l’importance pour les professionnels d’exercer leur activité en parfaite conformité avec la réglementation.
Implications juridiques pour les propriétaires et héritiers
Les propriétaires d’un bien immobilier et les héritiers d’une succession se trouvent dans une position juridique particulière face aux découvertes macabres réalisées lors d’un débarras. Leur statut légal les soumet à des obligations spécifiques tout en leur conférant certains droits.
Le Code civil établit que le propriétaire d’un bien est responsable de ce qui s’y trouve. L’article 544 dispose que « la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ». Cette disposition fondamentale implique une responsabilité potentielle du propriétaire concernant les objets ou restes découverts sur son terrain ou dans son habitation.
La jurisprudence a nuancé cette responsabilité en fonction de la connaissance que pouvait avoir le propriétaire. Dans un arrêt du 17 mai 2011, la Cour de cassation a précisé que « le propriétaire ne peut être tenu responsable de faits criminels commis à son insu sur sa propriété par un tiers, sauf s’il est démontré qu’il en avait connaissance et qu’il n’a pas agi en conséquence ». Cette position jurisprudentielle protège les propriétaires de bonne foi.
Pour les héritiers, la situation est plus complexe encore. L’article 724 du Code civil énonce que « les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ». Ils héritent donc potentiellement des responsabilités liées aux actes commis par le défunt. Toutefois, l’article 785 du même code permet aux héritiers d’accepter la succession à concurrence de l’actif net, limitant ainsi leur responsabilité.
La Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 8 septembre 2014, a confirmé que « l’héritier ne peut être poursuivi pénalement pour des actes commis par le défunt, mais peut néanmoins être tenu de coopérer avec la justice dans le cadre d’une enquête ». Cette distinction fondamentale entre responsabilité pénale et obligation de coopération mérite d’être soulignée.
Devoir de vigilance et obligation de transparence
Les propriétaires et héritiers sont soumis à un devoir de vigilance lors des opérations de débarras qu’ils initient. Ce devoir implique plusieurs obligations concrètes :
- Informer les professionnels mandatés de tout élément suspect connu
- Superviser raisonnablement les opérations de débarras
- Répondre avec sincérité aux questions des autorités en cas de découverte
- Conserver les documents relatifs à l’acquisition du bien ou à la succession
La loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République a renforcé les obligations déclaratives concernant certains biens. Bien que visant principalement la lutte contre le financement du terrorisme, ces dispositions peuvent s’appliquer dans le contexte des découvertes macabres, notamment lorsqu’elles concernent des objets de valeur non déclarés.
L’obligation de transparence s’étend aux transactions immobilières. L’article L. 271-4 du Code de la construction et de l’habitation impose au vendeur de fournir un dossier de diagnostic technique. Bien que ce dossier ne concerne pas directement les éventuelles découvertes macabres, la jurisprudence tend à considérer que le vendeur doit informer l’acquéreur de tout élément susceptible d’affecter la valeur ou l’usage du bien, y compris son historique particulier.
Un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation du 21 mars 2019 a ainsi retenu la responsabilité d’un vendeur qui n’avait pas informé l’acquéreur qu’un homicide avait été commis dans le logement quelques années auparavant. Les juges ont estimé que cette information constituait un « élément déterminant du consentement » que le vendeur ne pouvait dissimuler.
Conséquences pénales et procédure judiciaire après une découverte
La découverte d’éléments macabres lors d’un débarras déclenche invariablement une séquence judiciaire dont les implications peuvent s’avérer considérables pour toutes les parties concernées. Cette procédure obéit à des règles strictes définies par le Code de procédure pénale.
Dès le signalement aux autorités, une enquête préliminaire est généralement ouverte sous la direction du procureur de la République, conformément à l’article 75 du Code de procédure pénale. Cette phase initiale vise à déterminer la nature exacte de la découverte et son éventuel caractère criminel. Des officiers de police judiciaire se rendent sur place pour procéder aux premières constatations et recueillir les témoignages des personnes présentes.
Si la découverte révèle des indices de crime, le procureur peut saisir un juge d’instruction qui ouvrira une information judiciaire, comme le prévoit l’article 80 du Code de procédure pénale. Cette phase d’enquête plus approfondie peut impliquer diverses mesures d’investigation : perquisitions complémentaires, expertises médico-légales, analyses scientifiques, etc.
Les personnes ayant participé au débarras acquièrent alors un statut juridique particulier. Selon les circonstances, elles peuvent être considérées comme :
- Témoins : personnes détenant des informations utiles à l’enquête
- Témoins assistés : personnes contre lesquelles pèsent certains soupçons sans éléments suffisants pour une mise en examen
- Mis en examen : personnes contre lesquelles existent des indices graves ou concordants
La Cour de cassation, dans un arrêt du 19 septembre 2017, a précisé que « le simple fait d’avoir découvert des éléments à caractère criminel ne suffit pas à justifier une mise en examen, sauf si des éléments objectifs suggèrent une participation ou une connaissance préalable des faits ». Cette position jurisprudentielle protège les découvreurs de bonne foi.
Pendant la durée de l’enquête, les lieux peuvent être placés sous scellés judiciaires, rendant impossible la poursuite des opérations de débarras. L’article 97 du Code de procédure pénale régit la saisie des objets utiles à la manifestation de la vérité. Cette mesure peut s’étendre à l’intégralité d’un bien immobilier dans les cas les plus graves.
Le Conseil constitutionnel, dans sa décision n° 2019-778 DC du 21 mars 2019, a rappelé que ces mesures restrictives doivent respecter le principe de proportionnalité et ne peuvent excéder ce qui est nécessaire à la recherche de la vérité. Cette garantie constitutionnelle limite les pouvoirs d’investigation des autorités.
Qualification juridique des faits et sanctions potentielles
Selon la nature de la découverte et le comportement des personnes impliquées, plusieurs qualifications pénales peuvent être retenues :
L’atteinte à l’intégrité d’un cadavre, prévue par l’article 225-17 du Code pénal, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Cette infraction peut être retenue contre une personne qui manipulerait indûment des restes humains découverts lors d’un débarras.
La non-dénonciation de crime, réprimée par l’article 434-1 du Code pénal, est sanctionnée de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Elle concerne les personnes qui, ayant connaissance d’un crime, s’abstiennent d’en informer les autorités.
Le recel de cadavre, défini par l’article 434-7 du Code pénal, est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Cette qualification s’applique à quiconque dissimule le cadavre d’une personne victime d’un homicide ou décédée des suites de violences.
La destruction de preuves, visée par l’article 434-4 du Code pénal, est sanctionnée de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. Elle peut concerner les personnes qui feraient disparaître des éléments découverts lors d’un débarras.
La Cour européenne des droits de l’homme veille au respect des droits fondamentaux dans ces procédures. Dans l’arrêt Panaitescu c. Roumanie du 10 avril 2012, elle a considéré que le traitement des restes humains découverts fortuitement doit respecter la dignité humaine et les convictions religieuses des proches.
Stratégies préventives et recommandations pratiques
Face aux risques juridiques associés aux découvertes macabres lors d’opérations de débarras, l’adoption de mesures préventives s’avère indispensable pour tous les acteurs concernés. Ces précautions permettent non seulement de limiter les responsabilités potentielles mais garantissent par ailleurs une gestion optimale des situations exceptionnelles.
Pour les particuliers entreprenant un débarras, plusieurs actions préventives sont recommandées. Il convient d’abord de s’informer sur l’historique du bien, notamment en consultant les anciens propriétaires, le voisinage ou les archives locales. Cette démarche peut révéler des informations précieuses sur d’éventuels événements suspects survenus dans le passé.
La réalisation d’une inspection préliminaire méthodique constitue une étape fondamentale. Cette inspection doit être menée de façon systématique, en documentant photographiquement l’état initial des lieux. Le Ministère de la Justice recommande de procéder pièce par pièce, en portant une attention particulière aux espaces peu accessibles comme les caves, greniers, vides sanitaires ou faux plafonds.
Pour les professionnels du débarras, l’élaboration d’un protocole opérationnel détaillé s’impose. Ce protocole doit inclure une procédure de qualification initiale du bien, permettant d’évaluer les risques potentiels avant le début des opérations. Des outils comme les détecteurs de métaux ou les caméras endoscopiques peuvent faciliter l’inspection des zones difficiles d’accès.
La Chambre Syndicale du Déménagement préconise la mise en place d’une check-list standardisée, incluant des points de vigilance spécifiques sur les signes pouvant indiquer une situation anormale : odeurs inhabituelles, traces suspectes, zones condamnées sans raison apparente, etc.
Documentation et traçabilité
L’établissement d’une documentation rigoureuse constitue une protection juridique majeure. Cette documentation doit comprendre :
- Un inventaire détaillé des biens présents avant le débarras
- Des photographies datées de chaque pièce et espace
- Un journal chronologique des opérations effectuées
- Des attestations signées par les différents intervenants
La Cour de cassation a souligné l’importance de cette traçabilité dans un arrêt du 11 décembre 2019, en reconnaissant la valeur probatoire d’une documentation méthodique dans l’établissement de la bonne foi des intervenants.
Sur le plan contractuel, l’insertion de clauses spécifiques dans les contrats de débarras permet de clarifier les responsabilités de chacun. Ces clauses doivent préciser :
La procédure à suivre en cas de découverte inhabituelle
Les obligations d’information réciproques entre client et prestataire
Les modalités de suspension des opérations si nécessaire
La répartition des frais supplémentaires éventuels
Il convient de noter que ces clauses ne peuvent exonérer les parties de leurs obligations légales fondamentales, comme le rappelle l’article 6 du Code civil qui dispose que « on ne peut déroger, par des conventions particulières, aux lois qui intéressent l’ordre public et les bonnes mœurs ».
La souscription d’une assurance spécifique constitue une protection complémentaire importante. Les polices d’assurance standard excluent généralement les situations liées à des découvertes macabres ou criminelles. Des contrats adaptés, incluant une garantie « risques exceptionnels », peuvent être négociés auprès des compagnies spécialisées.
La Fédération Française de l’Assurance recommande aux professionnels du débarras de vérifier attentivement les exclusions de leurs polices d’assurance et de souscrire, le cas échéant, des extensions de garantie appropriées.
Enfin, la formation continue des intervenants représente un investissement judicieux. Cette formation doit aborder non seulement les aspects techniques du débarras mais intégrer un volet juridique substantiel, incluant la conduite à tenir face à des découvertes inhabituelles. Des organismes spécialisés proposent des modules de formation adaptés aux spécificités du secteur.
Analyse juridique prospective et évolution du cadre légal
Le cadre juridique entourant les découvertes macabres lors d’opérations de débarras connaît une évolution constante, influencée par les avancées technologiques, les mutations sociétales et l’émergence de nouvelles problématiques. Cette dynamique législative et jurisprudentielle mérite une analyse prospective pour anticiper les futures orientations du droit en la matière.
L’une des tendances majeures observées ces dernières années concerne le renforcement des obligations de vigilance imposées aux professionnels du secteur. Le projet de loi sur la régulation des activités de débarras et de vide-maisons, actuellement en discussion, prévoit l’instauration d’un statut réglementé pour les entreprises intervenant dans ce domaine, avec des obligations de formation et de certification.
Ce texte, s’il était adopté, imposerait aux professionnels une obligation de signalement systématique de toute découverte inhabituelle, au-delà des seuls restes humains ou indices criminels. Cette extension du champ d’application des obligations déclaratives s’inscrit dans une logique de prévention renforcée.
Parallèlement, la jurisprudence tend à préciser les contours de la responsabilité des différents acteurs. Un arrêt récent de la Cour d’appel de Montpellier du 15 janvier 2022 a ainsi reconnu l’existence d’une « obligation de vigilance graduée » selon le contexte du débarras. Les juges ont estimé que « le niveau de vigilance attendu doit être proportionné aux circonstances particulières de l’intervention, notamment l’ancienneté du bien, son histoire connue et les conditions d’acquisition ».
Cette approche contextuelle de la responsabilité pourrait inspirer le législateur dans l’élaboration de futures dispositions légales, avec l’établissement de critères objectifs permettant d’évaluer le niveau de vigilance exigible.
Impact des nouvelles technologies
L’évolution technologique transforme progressivement les pratiques du secteur et, par voie de conséquence, le cadre juridique applicable. Plusieurs innovations méritent une attention particulière :
- Les scanners 3D permettant une cartographie précise des lieux avant intervention
- Les détecteurs moléculaires capables d’identifier des traces biologiques anciennes
- Les systèmes de traçabilité numérique des objets manipulés lors du débarras
- Les plateformes collaboratives facilitant le partage d’informations entre professionnels
Ces outils soulèvent de nouvelles questions juridiques, notamment en matière de protection des données personnelles. La Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés a d’ailleurs publié en 2023 des recommandations spécifiques concernant l’utilisation de ces technologies dans le contexte des interventions à domicile.
Sur le plan international, on observe une tendance à l’harmonisation des pratiques, particulièrement au niveau européen. La directive 2019/1937 du Parlement européen relative à la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union pourrait indirectement influencer le traitement juridique des découvertes macabres, en renforçant la protection des lanceurs d’alerte, y compris dans le secteur du débarras.
La Cour européenne des droits de l’homme contribue par ailleurs à façonner une approche commune des États membres face à ces situations exceptionnelles. Dans l’arrêt Solska et Rybicka c. Pologne du 20 septembre 2018, la Cour a souligné l’importance du respect des droits des familles dans le traitement des restes humains découverts fortuitement, posant ainsi les jalons d’une jurisprudence protectrice.
Au niveau national, le Conseil constitutionnel a été saisi en 2022 d’une question prioritaire de constitutionnalité concernant l’article 434-7 du Code pénal relatif à la modification de l’état des lieux d’un crime. Dans sa décision, le Conseil a validé la constitutionnalité de cette disposition tout en précisant que son application doit respecter le principe de proportionnalité, notamment lorsque la modification résulte d’une intervention légitime comme un débarras.
Cette jurisprudence constitutionnelle pourrait inciter le législateur à affiner les dispositions pénales applicables, en introduisant des circonstances atténuantes spécifiques pour les interventions professionnelles légitimes ayant involontairement altéré des éléments de preuve.
En définitive, l’évolution du cadre juridique semble s’orienter vers un équilibre plus fin entre les impératifs de justice, la protection des intervenants de bonne foi et la préservation des droits des victimes et de leurs familles. Cette recherche d’équilibre constitue le défi majeur auquel devront répondre les futures évolutions législatives et jurisprudentielles dans ce domaine si particulier.
