Maîtriser les obligations légales en matière de formation continue : un enjeu stratégique pour les employeurs

La formation professionnelle continue représente un pilier fondamental du développement des compétences et de l’employabilité des salariés. Face aux mutations rapides du monde du travail, les entreprises doivent s’adapter et anticiper les besoins en compétences. Dans ce contexte, le cadre légal impose aux employeurs des obligations précises en matière d’accès à la formation. Cet arsenal juridique vise à garantir l’évolution professionnelle des salariés tout au long de leur carrière. Décryptons les contours de ces obligations et leurs implications concrètes pour les entreprises.

Le cadre légal de la formation professionnelle continue

Le droit à la formation professionnelle continue est inscrit dans le Code du travail. L’article L6311-1 stipule que la formation professionnelle tout au long de la vie constitue une obligation nationale. Elle vise à permettre à chaque personne, indépendamment de son statut, d’acquérir et d’actualiser des connaissances et des compétences favorisant son évolution professionnelle.

Les principaux textes encadrant les obligations des employeurs sont :

  • La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel
  • La loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale
  • L’accord national interprofessionnel (ANI) du 14 décembre 2013

Ces textes définissent notamment :

  • L’obligation de financement de la formation par les entreprises
  • Le maintien de l’employabilité des salariés
  • Les dispositifs d’accès à la formation (plan de développement des compétences, CPF, etc.)
  • Les entretiens professionnels obligatoires

Le non-respect de ces obligations expose l’employeur à des sanctions financières et peut être considéré comme un manquement à son obligation d’adaptation des salariés à leur poste de travail.

L’obligation de financement de la formation

Les entreprises ont l’obligation de participer au financement de la formation professionnelle continue. Cette contribution est calculée sur la masse salariale et varie selon la taille de l’entreprise :

  • Moins de 11 salariés : 0,55% de la masse salariale
  • 11 salariés et plus : 1% de la masse salariale

Cette contribution est versée à un opérateur de compétences (OPCO) agréé par l’État. Les OPCO sont chargés de collecter les fonds de la formation professionnelle et de financer les actions de formation des entreprises.

Au-delà de cette contribution obligatoire, de nombreuses entreprises investissent davantage dans la formation de leurs salariés. Cet investissement supplémentaire peut prendre la forme de :

  • Financement direct d’actions de formation
  • Abondement du CPF des salariés
  • Mise en place d’une université d’entreprise

L’investissement dans la formation est souvent perçu comme un levier stratégique pour développer les compétences internes et fidéliser les talents. Les entreprises qui dépassent leurs obligations légales en la matière bénéficient généralement d’un avantage concurrentiel sur le marché du travail.

Le plan de développement des compétences

Le plan de développement des compétences remplace depuis 2019 l’ancien plan de formation. Il regroupe l’ensemble des actions de formation mises en place par l’employeur pour ses salariés. L’élaboration de ce plan n’est pas une obligation légale, mais il constitue un outil essentiel pour structurer la politique de formation de l’entreprise.

Le plan de développement des compétences distingue deux types d’actions :

  • Les actions d’adaptation au poste de travail ou liées à l’évolution ou au maintien dans l’emploi
  • Les actions de développement des compétences

Les premières sont obligatoires et doivent être réalisées sur le temps de travail avec maintien de la rémunération. Les secondes peuvent, sous certaines conditions, être réalisées hors temps de travail, dans la limite de 30 heures par an et par salarié.

L’employeur doit consulter le comité social et économique (CSE) sur le plan de développement des compétences. Cette consultation porte sur les orientations de la formation professionnelle dans l’entreprise et sur le plan de formation de l’année à venir.

Pour élaborer un plan de développement des compétences efficace, l’employeur doit :

  • Identifier les besoins en compétences de l’entreprise
  • Analyser les écarts entre les compétences disponibles et les compétences nécessaires
  • Définir des actions de formation adaptées
  • Établir un budget prévisionnel
  • Planifier la mise en œuvre des actions de formation

Un plan bien conçu permet non seulement de répondre aux obligations légales, mais aussi d’accompagner la stratégie de l’entreprise en développant les compétences clés pour son avenir.

L’entretien professionnel : un outil central du dispositif

L’entretien professionnel est un rendez-vous obligatoire entre le salarié et l’employeur. Il doit être organisé tous les deux ans, ainsi qu’au retour de certaines absences (congé maternité, congé parental d’éducation, etc.). Cet entretien est distinct de l’entretien annuel d’évaluation.

L’objectif de l’entretien professionnel est d’examiner les perspectives d’évolution professionnelle du salarié, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Il permet également d’identifier les besoins de formation du salarié et d’envisager les certifications à obtenir.

Les points à aborder lors de l’entretien professionnel sont :

  • Le parcours professionnel du salarié
  • Les formations suivies
  • Les souhaits d’évolution professionnelle
  • Les compétences développées
  • Les projets de formation envisagés

Tous les six ans, l’entretien professionnel fait l’objet d’un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié. À cette occasion, l’employeur doit vérifier que le salarié a bénéficié au cours des six dernières années des entretiens professionnels prévus et d’au moins une action de formation non obligatoire.

Si ces conditions ne sont pas remplies, l’employeur doit abonder le compte personnel de formation (CPF) du salarié à hauteur de 3000 euros. Cette sanction s’applique dans les entreprises d’au moins 50 salariés.

L’entretien professionnel est un moment privilégié pour :

  • Faire le point sur les compétences du salarié
  • Identifier les besoins en formation
  • Construire un projet professionnel
  • Anticiper les évolutions de l’emploi dans l’entreprise

Une bonne préparation de ces entretiens, tant du côté de l’employeur que du salarié, est essentielle pour en tirer le meilleur parti.

Le compte personnel de formation (CPF) : un dispositif à maîtriser

Le compte personnel de formation (CPF) est un dispositif qui permet à chaque actif d’acquérir des droits à la formation utilisables tout au long de sa vie professionnelle. Bien que le CPF soit personnel au salarié, les employeurs ont un rôle à jouer dans son utilisation optimale.

Les principales caractéristiques du CPF sont :

  • Alimentation annuelle de 500 euros (800 euros pour les salariés peu qualifiés)
  • Plafonnement à 5000 euros (8000 euros pour les salariés peu qualifiés)
  • Possibilité d’abondement par l’employeur
  • Utilisation pour des formations certifiantes ou qualifiantes

L’employeur peut intervenir de plusieurs manières dans l’utilisation du CPF :

  • Information des salariés sur le dispositif
  • Abondement du CPF pour financer des formations coûteuses
  • Co-construction de projets de formation avec les salariés
  • Mise en place d’accords d’entreprise sur l’utilisation du CPF

L’abondement du CPF par l’employeur peut être un levier puissant pour encourager les salariés à se former sur des compétences stratégiques pour l’entreprise. Cela peut se faire dans le cadre d’accords collectifs ou de manière individuelle.

Les employeurs doivent être particulièrement vigilants sur deux points :

  • Le respect de la liberté du salarié d’utiliser son CPF comme il l’entend
  • L’interdiction de demander à un salarié d’utiliser son CPF pour financer une formation obligatoire

Une bonne maîtrise du dispositif CPF permet aux employeurs de l’intégrer efficacement dans leur stratégie globale de formation, en complément du plan de développement des compétences.

Vers une gestion proactive des compétences

Au-delà du respect des obligations légales, une gestion efficace de la formation professionnelle implique une approche proactive et stratégique. Les employeurs ont tout intérêt à anticiper les évolutions des métiers et des compétences pour maintenir la compétitivité de leur entreprise.

Cette approche proactive peut se traduire par :

  • La mise en place d’une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC)
  • L’élaboration de parcours de formation personnalisés
  • Le développement de partenariats avec des organismes de formation
  • L’utilisation de nouvelles modalités de formation (e-learning, blended learning, etc.)

La GPEC est particulièrement pertinente pour anticiper les besoins en compétences à moyen et long terme. Elle permet de :

  • Identifier les compétences clés pour l’avenir de l’entreprise
  • Repérer les écarts entre les compétences actuelles et futures
  • Mettre en place des actions de formation ciblées
  • Favoriser la mobilité interne

L’innovation en matière de formation est également un enjeu majeur. Les employeurs doivent être à l’affût des nouvelles modalités de formation qui peuvent améliorer l’efficacité et l’engagement des apprenants :

  • Réalité virtuelle et augmentée
  • Microlearning
  • Social learning
  • Adaptive learning

Enfin, la mesure de l’impact des actions de formation est cruciale pour optimiser les investissements. Les employeurs doivent mettre en place des indicateurs pertinents pour évaluer le retour sur investissement des formations :

  • Taux de participation aux formations
  • Taux de certification
  • Évolution des compétences
  • Impact sur la performance individuelle et collective

En adoptant une approche proactive et innovante de la formation professionnelle, les employeurs peuvent non seulement respecter leurs obligations légales, mais aussi faire de la formation un véritable levier de performance et d’attractivité pour leur entreprise.

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